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Enseignement supérieur privé : ce qu’il faut savoir pour bien choisir

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Enseignement supérieur privé : ce qu’il faut savoir pour bien choisir

Alors que la procédure Parcoursup est en cours, vous envisagez peut-être une formation dans un établissement d’enseignement supérieur privé ? Dans ce cas, assurez-vous en amont de la reconnaissance du diplôme délivré. Pour éviter les déconvenues, veillez aussi au coût global de la formation, aux possibilités d’équivalence et de poursuite d’études ainsi qu’aux conditions contractuelles.

Le boom des formations privées

Il porte la vitalité de sa jeunesse. L’enseignement supérieur privé affiche une santé insolente avec un nombre d’étudiants encore en hausse en 2022-2023, le secteur public perdait plus 3 % de ses effectifs par rapport à l’année précédente. « Le privé concentre 26 % des étudiants, contre 5 % seulement il y a vingt ans », souligne Patrick Roux, président de la Fédération nationale de l’enseignement privé (Fnep). « Pour répondre à la demande croissante, les écoles privées se sont fortement développées, portées notamment par l’essor de l’apprentissage ».

Si près de 10 000 formations privées figurent sur Parcoursup, beaucoup existent en dehors de la plateforme. Et sélectionnent les candidats selon leurs propres critères avec un calendrier moins resserré. Une aubaine pour certains lycéens et parents qui jugent le fonctionnement de Parcoursup complexe. Voire opaque. Un sentiment que pointe un rapport d’information publié en juin dernier par le sénateur Jacques Grosperrin : « Si de réelles améliorations ont été progressivement apportées sur le plan technique et informationnel, paradoxalement, l’appréciation des usagers de la plateforme suit une tendance inverse ». Ainsi, les écoles privées hors Parcoursup servent parfois de plan B.

Pour rendre cette offre plus visible, la Fnep a inauguré un site d’information – et non de candidature – appelé Parcours Privé qui vise à répertorier l’intégralité des formations supérieures privées indépendantes. Elle en compte actuellement plus de 4 000. « Toutes doivent signer une charte élaborée par nos soins et nous procédons à des vérifications au moment de leur inscription », indique Patrick Roux. « Des contrôles aléatoires se tiendront par la suite. » Sur ce portail, les formations sont présentées sur un modèle similaire pour en faciliter la lisibilité. Et permettre les comparaisons ? Devant cette offre abondante, faire son choix s’apparente à un casse-tête. Comment rester objectif ? En rationalisant la prise d’informations.

Evolution des inscritpions dans l'enseignement supérieur

Comparer les formations grâce à une grille de questions

« La première étape consiste à bien définir ses attentes pour identifier si une formation correspond à son propre projet d’orientation », recommande Valérie Deflandre, conseillère au Cidj. Mode, journalisme, communication, architecture d’intérieure, community management… Elle met en garde contre la recrudescence des écoles qui font rêver. Et livre une astuce pour garder les pieds sur terre : créer une grille de questions destinée à comparer le plus objectivement les formations. « Il est nécessaire de s’interroger sur le contenu des enseignements, le nombre d’heures par matière, les modalités d’examen, la reconnaissance du diplôme, le type d’intervenants, le nombre de stages, les débouchés métiers… », détaille-t-elle.

Lors des journées portes ouvertes, des salons d’orientation ou en rendez-vous individuel avec le service d’admission, le remplissage de cette grille offrira une vue synthétique des forces et des faiblesses des formations proposées : « cette approche pragmatique évite aussi de se laisser séduire par un intitulé attractif ou un discours bien rôdé », ajoute la spécialiste de l’orientation. Se rendre dans les locaux permet aussi de sentir l’ambiance, de découvrir l’environnement et les outils de travail, de rencontrer professeurs et étudiants. « Même si leurs propos ne seront pas forcément objectifs », avertit la conseillère. Une école sérieuse doit fournir un référentiel ou un programme complet de la formation.

« Mais avant de se tourner vers le privé, encore faut-il toujours regarder l’équivalent dans le public où les diplômes possèdent un label attribué par l’État », recommande Valérie Deflandre. Car tous les diplômes de l’enseignement supérieur privé n’en bénéficient pas.

Se renseigner sur la reconnaissance du diplôme délivré

En vertu de la reconnaissance de leurs formations, les établissements publics figurent d’office sur Parcoursup. Si des écoles privées y sont également référencées, c’est qu’elles préparent à des diplômes nationaux (BTS, diplômes d’État dans le social, le paramédical ou le sport…), à des diplômes visés ou gradés par l’État ou à des diplômes d’établissements d'enseignement supérieur privé d'intérêt général (EESPIG) à but non lucratif.

La plupart de ces formations privées disposent du label « contrôlé par l’État » identifiable au macaron intégré dans leur fiche de présentation sur Parcoursup, à la partie « Certification ». Cela indique que le ministère de l’Enseignement supérieur garantit la qualité des enseignements fournis pour préparer les étudiants à l’examen conduisant aux diplômes nationaux ou aux diplômes visés ou gradés. Vous trouverez par exemple les labels suivants : « Diplôme conférant grade de licence contrôlé par l’État », « Diplôme visé contrôlé par l’État », « Diplôme d’ingénieur contrôlé par l’État », « Diplôme de BTS contrôlé par l’État ». Quand ils ne bénéficient pas de ce label, c’est le cas pour certains BTS, il faut être vigilant quant au sérieux de l’établissement.

Les formations d’écoles privées ne conduisant pas à des diplômes nationaux, visés ou gradés ne peuvent apparaître sur Parcoursup. À l’exception de celles proposées en apprentissage. La plateforme gouvernementale en compte 7 100, pour la plupart des BTS (6 000), dont la majorité ne possède pas le label « contrôlé par l’État » ou des formations professionnelles (500) menant à des titres RNCP dont certains sont nommés « bachelor » par les organismes qui les proposent, une appellation non réglementée (voir encadré).

C’est en obtenant l’inscription de leurs formations au Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) que les écoles privées peuvent les proposer en apprentissage. De quoi s’agit-il ? Ce répertoire recense tous les diplômes, titres professionnels et certificats de qualification professionnelle qui sont reconnus par l’État comme permettant l’exercice d’un métier. L’attribution d’une certification RNCP est réalisée par la Commission nationale de la certification professionnelle après examen de neuf critères définis par la loi. Et les diplômes délivrés par l’État l’obtiennent de droit. Pour un cursus d’établissement privé, l’enregistrement à ce répertoire se fait sur demande et constitue un premier gage de qualité. Cela garantit à son titulaire l’acquisition d’une qualification reconnue sur le marché du travail.

Et chaque titre RNCP se rapporte à un niveau de qualification. Par exemple, un titre de niveau 6 correspond à un niveau bac + 3 (voir encadré). Mais pour corser encore un peu plus les choses, cela n’a rien à voir avec une reconnaissance académique de la formation, de type visa ou grade accordé par l’État après un contrôle accru (qualité des enseignements, conditions d’admission…). Le visa accorde une valeur nationale au diplôme privé quand, un cran au-dessus, le grade l’assimile à une licence ou un master. Seuls ces deux labels permettent à un diplôme privé d’attribuer des crédits ECTS. Concrètement, l’European Credit Transfer and Accumulation System (ECTS) garantit, dans tous les pays d’Europe, la reconnaissance des diplômes au-delà des frontières d’origine et permet une poursuite d’études en France comme en Europe. Ce qu’un titre RNCP ne permet pas, rendant ainsi la poursuite d’études compliquée.

Un titre de niveau 6 ne signifie pas que vous détenez une licence et ses 180 crédits ECTS pour accéder de droit à un master. Les universités étudient les équivalences au cas par cas. En revanche, dans le cadre d’un concours de la fonction publique qui nécessite un diplôme de niveau bac + 3, vous pourrez candidater avec un titre certifié de niveau 6, qu’il s’agisse d’une licence ou non.
Mais attention, l’attribution d’un titre RNCP se porte sur une formation bien définie et non pas à l’ensemble des diplômes d’une école privée. C’est ainsi que certains établissements entretiennent un flou sur ce point. « Il arrive même que des écoles affirment détenir un titre RNCP en jouant sur les termes », déplore Valérie Deflandre. L’unique manière de s’assurer du sérieux des prétentions d’un établissement consiste à interroger le répertoire national en ligne. Ne surtout pas se contenter du code RNCP fourni par l’école.


Zoom sur le bachelor

Le titre de bachelor n’étant pas encadré par la loi, n’importe quelle école peut le proposer. Soyez vigilant car ces formations coûtent cher et l’investissement doit en valoir la peine. Privilégiez les écoles qui proposent un diplôme visé par l’État et dont les 3 années donnent des équivalences en crédits ECTS (180 ECTS dans le cas d’un bac + 3) ou les écoles proposant le grade de licence (180 ECTS). Elles figurent sur Parcoursup. Ce sont principalement des écoles de commerce, mais aussi quelques écoles d’ingénieurs, d’art ou de journalisme qui en proposent.

Attention, les bachelors ni visés ni reconnus au grade de licence ne s’inscrivent pas dans le schéma européen LMD car ils ne permettent pas d’obtenir de crédits ECTS. Un bachelor certifié au Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP) permet d’attribuer un niveau d’études à un titre professionnel (bac + 3/4) mais en aucun cas il ne s’agit d’une équivalence au grade de licence.
 

Vérifier un titre RNCP sur France compétences

Direction le site internet de France compétences, l’instance chargée de la formation professionnelle et de l’apprentissage. Renseignez le nom de la certification ou son code RNCP dans le moteur de recherche dédié. Si la mention « active » est notifiée, la certification est en cours de validité. Celle-ci est attribuée pour une durée maximale de 5 ans, renouvelable sur demande. La date d’expiration figure dans la fiche de présentation. Une mention « inactive » indique que la certification a expiré.

« Lorsqu’un établissement d’enseignement supérieur privé prétend que la certification RNCP est en cours d’enregistrement ou de renouvellement, il faut considérer que cette certification n’existe pas », prévient René Bagorski, directeur de la certification professionnelle à France compétences. Et de préciser : « La procédure de certification dure en moyenne sept mois et son attribution reste incertaine. Par conséquent, il convient de ne pas s’engager dans cette formation. » Rappelons que seule une certification inscrite au RNCP et « active » permet de suivre une formation en apprentissage.

La certification existe bien ? Voilà un bon début. Mais l’établissement possède-t-il une autorisation de la délivrer ? « Une école qui dispose d’une certification RNCP (appelé " certificateur ") peut habiliter d’autres établissements (appelés " partenaires ") qui pourront également la mettre en œuvre », précise René Bagorski. « Il existe deux types d’habilitations : une habilitation pour former, dans ce cas l’organisme certificateur se charge de l’évaluation, ou une habilitation pour former et organiser l’évaluation en son nom. » Il revient alors au certificateur, et non à France compétences, de contrôler les organismes partenaires. Ces derniers doivent être mentionnés dans la fiche RNCP de la certification. Il faut savoir qu’il s’agit d’une relation commerciale entre les deux organismes car cette habilitation se fait moyennant finances, comme le souligne Franceinfo.fr. Cela peut attirer des organismes peu scrupuleux.

Voilà sans doute pourquoi France compétences conseille, dans un communiqué paru récemment, de toujours vérifier que les caractéristiques de la certification renseignées sur le répertoire correspondent bien à ce que l’école annonce. « Si un organisme peut dénommer sa formation différemment que le nom de la certification, la formation doit être directement en lien avec elle. Une dénomination plus large ou plus restreinte, comme l’enregistrement sur un autre champ professionnel doit alerter. »

Lorsqu'un établissement n’apparaît pas dans la liste des partenaires, il n’a pas le droit de proposer la certification. « À défaut, la formation peut ne pas permettre le passage futur de l’examen et, en toute hypothèse, n’est pas réalisée sous le contrôle du certificateur », alerte France compétences. Attention, le nom commercial de l’école peut différer du nom légal qui apparaît sur le répertoire.

Voilà donc une somme d’éléments à prendre en considération avant de vous engager avec une école. Celle-ci a un devoir de transparence vis-à-vis des futurs étudiants.

repertoire national des certifications professionnelles

 

Examiner les conditions du contrat et le coût de la formation

Sans y être habilités, des établissements privés utilisent des noms de diplômes reconnus comme la licence ou le master, délivrés uniquement dans le public. Un constat pointé par un récent rapport de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) réalisé suite au contrôle de 80 établissements privés. L’autorité signale des « pratiques commerciales trompeuses » pour un tiers d’entre eux. Aussi, près d’un sur deux présentait des défauts d’information concernant les conditions de vente avant la signature du contrat, le prix TTC de la formation et l’affichage des prix.

« Une formation dans une école privée reste un produit de consommation », rappelle Valérie Deflandre. « En tant que client, vous avez le droit d’être pointilleux et d’attendre des réponses complètes et précises de la part de l’école. » D’ailleurs, le contrat signé avec l’école doit stipuler la possibilité d’un recours à un médiateur de la consommation ainsi que ses coordonnées. Ce qui n’empêche pas l’inscription de clauses abusives. Ainsi, un établissement ne peut inscrire au contrat qu’il se réserve le droit de modifier unilatéralement les conditions relatives à la durée du contrat, aux caractéristiques de la formation ou à son coût, par exemple.

Avant de signer, prenez le temps de la réflexion. Le coût d’une formation dans le privé peut se chiffrer en milliers d’euros pour une année, jusqu’à 18 000 euros pour une école de commerce réputée ! « Il faut se projeter sur la durée de la formation et prévoir un financement fiable », conseille Valérie Deflandre. D’autant que « cumuler sa formation avec un job se révèle toujours délicat à gérer au quotidien ». L’école prévoit-elle des aides ou des facilités de paiement ? Avant d’opter pour un prêt, se demander si on peut supporter son coût global. Sans compter les frais annexes : logement, nourriture, loisirs…

Sachez aussi qu’une école ne peut accueillir d’étudiants boursiers que si elle dispose d’une reconnaissance par l’État, attestée par la publication d'un arrêté ministériel. Il s’agit d’un label attribué uniquement à l’établissement – et non à ses diplômes – pour la qualité de ses infrastructures, de ses enseignements et de son niveau, de sa gestion financière. Il permet de demander des subventions publiques. Par exemple, tous les établissements privés qui proposent des diplômes visés ou gradés, essentiellement des écoles de commerce et des écoles d’ingénieur, disposent de la reconnaissance par l’État. C’est un prérequis pour solliciter le visa puis le grade.

Sinon, il reste la solution de l’apprentissage, mais « encore faut-il trouver une entreprise », alerte Valérie Deflandre. « Renseignez-vous sur les conditions imposées par l’école si aucun employeur ne vous embauche. Elle pourrait réclamer des frais d’inscription pour suivre la formation hors-alternance. »

Si la conseillère insiste pour que les jeunes réfléchissent bien avant d’intégrer une formation privée, elle ne souhaite pas diaboliser cette offre pour autant. « Certaines écoles sont reconnues et disposent de bons réseaux », reconnait-elle. « Je conseille toujours de vérifier auprès des fédérations professionnelles en leur demandant directement si elles connaissent telle école ou telle formation ».
« Il existe quelques écoles spécialisées à la réputation excellente qui n’ont pas besoin de demander un enregistrement au RNCP. C’est le cas dans la joaillerie par exemple », déclare Patrick Roux. « Parfois le privé constitue la seule alternative pour un jeune. Il s’agit d’un moyen de ne pas complètement décrocher avant d’envisager la suite », conclut Valérie Deflandre.

En 2022, 500 saisines de la médiatrice de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur concernaient les études supérieures. Avec une hausse des réclamations concernant le privé. Rappelons que l’enseignement supérieur en France est libre. Le bémol, c’est qu’une école privée peut poursuivre un but lucratif. Et connaitre des difficultés financières. Dans les cas les plus extrêmes, faire faillite et fermer en plein milieu d’année. Débute alors pour les étudiants un parcours du combattant pour se faire rembourser. Pour aider les jeunes et leurs familles à s’y retrouver parmi toutes ces écoles, le ministère de l’Enseignement supérieur annonce la création d’un nouveau label pour 2025. Un de plus. Le choc de simplification attendra.


Titre RNCP et niveau d’études

Il existe près de 5 000 certifications inscrites au RNCP. La plupart sont des diplômes nationaux délivrés par l’État et enregistrés de droit (bac pro, BTS, DNMADE, BUT, licence pro, licence, master, doctorat, diplôme d’ingénieur, diplômes d’État dans le médical, paramédical, social, sport etc.). Les autres sont des titres à finalité professionnelle proposés par différents organismes de formation. Chaque titre RNCP correspond à un niveau de qualification, classé de 3 à 8. Un titre de niveau 6 correspond à un niveau bac + 3.

• Titre de niveau 3 :  CAP, BEP
• Titre de niveau 4 :  bac, BPJEPS…
• Titre de niveau 5 :  bac + 2  (BTS, Deust, DEJEPS…)
• Titre de niveau 6 :  bac + 3  (licence, licence professionnelle, BUT, DNMADE, diplôme d’État d’infirmier…)
• Titre de niveau 7 :  bac + 5  (master, diplôme d’ingénieur, certificat de capacité d’orthophoniste…)
• Titre de niveau 8 :  bac + 8  (doctorat, diplôme d’expertise comptable…).

 

Odile Gnanaprégassame © CIDJ
Article mis à jour le 29-02-2024 / créé le 29-02-2024